Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Courir les rues. Battre la campagne. Fendre les flots
9 novembre 2009

Souvenir concernant les arbres : les arbres

Souvenir concernant les arbres : les arbres étaient complices. Souvenir concernant les maisons : les maisons ont été complices. Souvenir concernant les grandes figures tutélaires de l’enfance : elles étaient complices. Souvenir concernant les automobiles : elles vous emmenaient. Souvenir concernant les voyages : au loin, ou pas si loin, souvenir des voyages. Souvenir concernant les rivières, les ciels. Souvenir concernant la mer, et marcher au long de la mer. Souvenir concernant les voix : elles venaient jusque dans les rêves. Souvenir concernant les rêves : qu’à nouveau on s’y love. Souvenir concernant les objets : minuscules, parfois, pour saisir ce hors vous-mêmes que vous leur abandonniez. Souvenir concernant votre peau, et écorchures, et la maladie même, parfois favorable, et le repos – qu’on pense seulement aux temps de repos, pour que reviennent les souvenirs : on passe par les odeurs, cette pièce en été, cette maison prêtée, cette ombre au bout du champ, ce creux dans la dune. Souvenir des villes où on se perd, et souvenir des lumières des villes. Souvenir d’un spectacle, et impossible souvenir de tous les spectacles : et de quel spectacle le plus humble on aura l’image la plus persistante. Souvenir des fleuves, ils étaient si calmes, souvent. Souvenir des routes : on était longtemps au bord, parfois, attendant qui vous prenne. Souvenir d’autres mondes : les mondes intérieurs où on rampe, les précipices qu’on surplombe, les couloirs où on entre, les pièces où de si étranges masques attendent. Et souvenir d’autres mondes : les langues étrangères, la violence ou l’insulte qu’on vous fait, le coup qu’on prend. Souvenir des souvenirs : on était si bien, parfois, ensemble à se souvenir – et ceux qui ont aujourd’hui l’âge que vous aviez, y passent aussi leurs après-midis et leurs nuits. Souvenir des visages. Souvenir de rien d’autre que la présence, quand elle est favorable. Et souvenir des nuits de travers, des nuits de fissure, des éclipses du monde. Souvenir de soi-même sans savoir à quoi on ressemble, petit corps marchant, corps agrandi et maladroit marchant, corps oscillant ou tombant, corps incapable de penser parfois ou réfléchir et les yeux écarquillés pourtant tenir. Souvenir, se souvenir.

F. Bon

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Et l'oubli aussi, qui oeuvre en cachette, les gouffres qu'il ouvre, les plaies qu'il panse...
Publicité